Gilets jaunes à Bordeaux : l'interpellation musclée qui choque les réseaux sociaux

Depuis samedi, en marge de la 65e journée de mobilisation des "Gilets jaunes" à Bordeaux, la vidéo montrant une interpellation violente à la gare St Jean, d'un homme au bonnet vert, a énormément choqué. Tout comme le contexte au milieu de passagers, d'enfants. La police de Bordeaux s'en explique.
 

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La Vidéo

La vidéo qui a fait à ce jour 2,3 millions de vues et fait l'objet de 4500 partages a été mise en ligne par AB7 Media et montre plusieurs personnes alignées le long de l'entrée du hall 3 de la gare SNCF de Bordeaux (côté Belcier). Un policier pointe un homme portant un bonnet vert qui est immédiatement jeté au sol par un second. Il reçoit ensuite un coup dans les jambes. 

Un homme, visiblement un usager qui cherche à rejoindre son amie, est expulsé du cercle de défense organisé par les policiers, le tout au milieu de badauds, apparemment des voyageurs, notamment des jeunes enfants.
 

La jeune vidéaste

Cette vidéo a été filmée à 16h57 samedi 8 février, par une jeune Girondine étudiante à Bayonne de 19 ans. Elle faisait partie d'un cortège de manifestants qui a été dispersé. Nous avons pu la contacter. Elle se dit responsable avec son père de AB7 media, "un média indépendant et militant":

Je filme régulièrement les manifestations de gilets jaunes, celles contre la réforme des retraites, les mouvements sociaux... Ce samedi-là, un appel avait été lancé par les gilets jaunes pour se rejoindre nombreux à Bordeaux (...) donc le dispositif policiers était important parce que les derniers week-ends, il y avait moins de manifestants et moins de forces de l'ordre...

Elle nous explique le contexte de cette vidéo : 

Je faisais partie du cortège et filmais. Il y avait eu plusieurs affrontements déjà car il y avait une braderie à Bordeaux et ils (les CRS, NDLR) empêchaient les manifestants d'entrer dans le centre-ville... avec des gaz lacrymogènes et de nombreux tirs de LBD... Je ne dirai pas ce que j'en pense.
Et je me suis retrouvée derrière la gare. Le gros du cortège était à une cinquantaine de mètres de là où s'est passée la vidéo. Autour il y avait peut-être vingt personnes de la manif. Les autres c'était des voyageurs.

Quant au jeune homme interpellé, avec un bonnet vert ?

C'était un manifestant. Je ne l'avais pas du tout vu.
Pas un black bloc... Pour moi, les black blocs ne mettent pas de bonnet vert !

Le contexte de la vidéo ?

J'ai vu un commissaire faire mine de lancer une grenade, donc j'ai enclenché la vidéo... et j'ai vu les hommes de la Bac, des CDI arriver (Compagnie Départementale d'Intervention soient des renforts locaux, NDLR)...
Il n'a opposé aucune résistance et il s'est pris un coup de pied.
Un autre homme, qui était un voyageur, voulait juste récupérer sa copine.. il a été mis par terre. On l'entend appeler "Margaux!" sur la vidéo.

Du côté de la Police

Sur les réseaux sociaux, les appels étaient lancés depuis plusieurs jours pour venir à Bordeaux. " S'en prendre aux forces de l'ordre " précise le directeur départemental de la sécurité et la police, Patrick Mairesse. " L'objectif est alors que la braderie de Bordeaux puisse se tenir. " Des manifestants se retrouvent alors derrière la gare, côté Belcier. Et là, jets de projectiles, de poubelles entre forces de l'ordre et manifestants. Ce serait à cet endroit que le jeune homme au bonnet vert est repéré comme ayant, avec un autre homme, jeté des projectiles. 

Michel Lavaud du Sicop, le service de communication de la police nationale donne cette précision, l’homme aurait été identifié en amont :

L’homme avait été repéré, notamment par l’hélicoptère déployé hier, comme en train de récupérer des barres de fer, et jetant régulièrement des projectiles sur les policiers. Se sentant identifié, il a tenté de se mêler aux voyageurs. C’est à ce moment-là que l’interpellation a eu lieu.

Patrick Mairesse, de la DDSP de Bordeaux, apporte sa vision : " Pour les gens qui n'ont pas vu la manifestation, ça peut paraître surprenant. Mais il a fait pas mal de choses avant. C'est un balayage réalisé par les forces de l'ordre, c'est un geste normal. "
Le jeune homme aurait été vu en train de "piller un chantier" pour se fournir en projectiles et aurait été identifié à son bonnet vert, sa veste... Il se serait glisser dans le petit groupe devant l'entrée de la gare, au milieu des voyageurs. 
Et l'autre homme qui a été mis à terre alors qu'il cherche son amie ?

" C'est une petite erreur, c'est quelqu'un d'honnête ( le voyageur NDLR ). Une petite erreur commise, ce n'est pas ce qu'il fallait faire. Mais je le comprends. "

Patrick Mairesse replace ce geste du policier dans le contexte tendu de la manifestation. 

Les policiers, par la voix du secrétaire départemental du syndicat Alliance-Police Nationale, Sylvain Charenat, indique qu'ils avaient des informations en interne sur le fait que "Bordeaux serait la capitale des gilets jaunes ce week-end et que 200 black blocs viendraient". "Nos collègues étaient préparés, on a eu des renforts de gendarmes mobiles".

La journée de samedi a été mouvementée "la violence a été très présente avec de nombreux dégâts dans la ville".

Concernant l'interpellation musclée, il estime que ce sont des techniques d'interpellation et que le fait que l'homme au bonnet vert soit supposé porteur "d'armes" justifie cela.

Ecoutez Sylvain Charenat, secrétaire départemental du syndicat Alliance-Police Nationale ►

Le parquet va aviser

L'homme interpellé samedi est un Bordelais de vingt ans.
D'après le vice procureur de Bordeaux, Olivier Etienne, au lendemain de cette interpellation dont la forme fait débat:

l'homme doit être entendu ce lundi matin à l'hôtel de police, auditionné lors de confrontations , puis une décision judiciaire sera prise sur la suite à donner.

Il est pour l'heure suspecté de "violences sur personnes dépositaires de forces publiques" (jusqu'à deux ans de prison).

S'il y a lieu, il pourrait être déferré et entendu en comparution immédiate.

Quant à la forme de cette interpellation, "la procureure de la République réfléchit si elle demande une intervention ou non de l'IGPN (Inspection générale de la Police nationale, la police des police), si les circonstances de l'interpellation n'étaient pas règlementaires..." mais elle n'a pas encore pris de décision".

L'avocat bordelais qui défend une quinzaine de gilets jaunes, Emmanuel Gauthier, se dit choqué par ces images. " On y voit une violence délibérée pour une arrestation qui a l'air de se passer relativement tranquillement car il n'y a pas pas d'acte de rébellion de la part de cette perosnne qui est arrêtée. " L'avocat observe une évolution dans les interventions policières.

C'est une violence qui devient quasiment la règle. C'est une manière de faire régner une certaine terreur, une manière de faire rentrer les gens chez eux, qu'il sarrêtent de manifester. 
Emmanuel Gautier

L'avocat Emmanuel Gautier détaille à Guillaume Decaix ses observations sur les interventions policières ► Il commente les images de la vidéo décrite dans cet article ►
 








 

 

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